“L’empreinte de Kisshomaru Ueshiba sur l’aikido moderne“

Stanley Pranin est connu et reconnu comme étant l’historien incontesté de l’Aïkido de part ses recherches depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui.  Il nous livre un article sur l’empreinte de Kisshomaru Ueshiba,  fils du Fondateur.  La source de l’article est en anglais sur le site du Aikido Journal,  dirigé par Stanley Pranin.  Nous avons traduit aussi fidèlement que possible le texte original.

Kisshomaru-Ueshiba“Je voudrais consacrer quelques paragraphes sur l’influence profonde du second doshu Kisshomaru Ueshiba (1921-1999) sur l’Aïkido tel que nous le connaissons aujourd’hui. Je suis poussé à écrire maintenant,  parce que j’ai noté une ignorance grandissante sur les nombreux articles de Kisshomaru Ueshiba dans un changement vers les points et activités du présent doshu,  Moriteru Ueshiba Sensei dans la direction de l’Aïkikaï.  Cette perception des changements progressifs est complètement incompréhensible d’un phénomène historique et de la transmission donnée depuis la mort de Kisshomaru il y a 14 ans.

Pourquoi peut-on affirmer que Kisshomaru est le personnage le plus important de l’histoire de l’Aikido,  en dehors son célèbre père,  Morihei Ueshiba,  le Fondateur de l’art ?

Laissez moi dessiner l’étendue de son empreinte sur l’aïkido moderne au sein du système aikikaï,  entité politique dominante de l’art.

Quand j’ai rencontré Kisshomaru Ueshiba Sensei en 1963 en Caroline du Sud pendant son premier voyage à l’étranger,  il paraissait plutôt timide,  une personne bien élevée,  modeste,  possédant l’habilité d’un ouvrier de cet art.  L’approche de son enseignement à voix douce semblait désignée à inculquer les bases de l’art comme enseigné à l’Aikikaï Hombu Dojo à cette période précoce.  Kisshomaru était ombragé par le charismatique Koishi Tohei  –  entre parenthèse,  son beau frère  –  qui a déjà dirigé nombres de stages à l’étranger,  surtout à Hawaii et qui commençait sur la terre des USA.  Kisshomaru,  par opposition,  était vu de premier abord comme le fils du Fondateur et le dirigeant de l’Aikikaï Hombu Dojo,  la personne ne s’occupant que des affaires administratives.  Son rôle d’instructeur au sein de l’Aikikaï était une position logique en tant que fils du Fondateur,  mais il n’était en aucun cas à un rang technique ou un enseignant doué à la hauteur de Koishi Tohei.

Quand Koishi Tohei démissionnât de l’Aikikaï en mai 1974,  son absence laissa un grand vide qu’il fallu vite remplir afin que l’aikikaï maintienne son importance comme le premier organe politique au monde de ce type.  C’est à partir de ce moment là que Kisshomaru commença à assumer un rôle de dirigeant dans toutes les affaires relatives à l’aïkido,  et commença à redéfinir l’aikikaï en accord avec sa propre vision en s’affranchissant de la lourde influence de Koishi Tohei.

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kisshomaru-morihei-tohei

Le nouvel activisme de Kisshomaru prit plusieurs formes.  Il travailla systématiquement à standardiser le curriculum de l’Aikido,  et ses efforts ont pu se voir au travers des nouvelles générations d’instructeurs juniors,  des jeunes hommes dans leurs vingtième et trentième année,  dont les techniques commençaient à ressembler de très près à celle de Kisshomaru.  Ceci n’est peut-être pas plus apparent que pendant le processus de façonnage de son second fils,  Moriteru,  à la succession de sa position de doshu de l’aikido.  Les techniques de Moriteru sont devenus pratiquement identiques à celles de son père,  ainsi que son approche pédagogique.  En plus de servir  de modèle pour la jeune culture des instructeurs de l’Aikikaï,  l’éducation de Moriteru va assurer l’héritage des techniques et de la pédagogie de Kisshomaru pour longtemps.

La seconde moitié des années 70 et 80 ont vu la publication de nombreux livres techniques écrits par Kisshomaru qui a conçu un curriculum officiel qui devrait former les bases de l’enseignement technique au sein du réseau Aikikaï.  Son fils Moriteru commençait à apparaitre en tant que second rôle,  et plus tard avec un rôle plus important.  Ces livres ont joué un rôle très important dans la promotion d’une approche d’enseignement commune parmi les enseignants et les fédérations au sein du système Aikikaï.

Demonstration d'aikido au ministère de la défense japonais 1957
Morihei & Kisshomaru Ueshiba – Demonstration d’aikido au ministère de la défense japonais 1957

Dans la même idée,  Kisshomaru travailla à créer une version officielle de l’histoire de l’Aikido,  commençant par sa biographie de son père intitulée “Morihei Ueshiba,  Fondateur de l’Aikido“ en 1977.  En plus de fournir énormément d’informations inédites sur la vie de son père et les débuts de l’aikido,  Kisshomaru planqua nombre de sujets historiques sensibles sur l’Aikikaï.  Ceci inclut  :

–  l’influence de Sokaku Takeda et du Dayto Ryu Aikijujutsu dans la création de l’aikido

–  une version centrée de Morihei dans l’engagement du Fondateur dans la religion Omoto

–  la minimalisation des vastes liens des débuts de l’aikido vers l’aile droite politique,  des militaires de haut rang et des institutions

–  l’obscurcissement des rôles des neveux de Morihei,  respectivement Yoichiro Inoue,  Kenji Tomiki et Koishi Tohei dans l’évolution de l’art

Kisshomaru s’est habilement approprié l’image du fondateur propagée par l’Aikikai au service des vues et des objectifs de l’organisation pour l’accroissement de la communauté de l’aikido.  L’image de Morihei a servit comme preuve de l’indiscutable légitimité de l’autorité de l’Aikikai,  pendant qu’il soutenait un sérieux opaque qui résistait aux analyses et différentes interprétations.  Petit à petit,  une forme de “politiquement correct“  a pris place au sein du système Aikikai qui décourageait toute recherche historique indépendante et toutes publications qui sortait de la portée des limites acceptables de la représentation de la vie et de l’art de Morihei.

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Kisshomaru & Stanley Pranin last interview 1996

Pendant la fin des années 1970 jusqu’à 1996,  j’ai interviewé Kisshomaru Sensei pour des articles à 12 occasions.  J’ai pu être au premier plan pour témoigner de l’évolution de la manière de penser du Doshu sur différents aspects historiques,  et d’identifier des points sensibles qui,  pour des raisons personnelles et d’organisation,  il a choisis d’éviter ou minimiser.

Le doux comportement extérieur de Kisshomaru dissimulait une pensée politiquement perspicace qu’il utilisait à bon escient pour les avancements des objectifs de l’organisation Aikikai. Pendant à peu près la dernière décennie,  Kisshomaru a créé des conditions dans lesquels les rebelles politiques qui se sont mis du coté de Koishi Tohei dans sa séparation avec l’Aikikai,  ont pu revenir aux bonnes grâces de la maison mère.  Son attitude de pardon où les blessures profondes persistantes ont sans doutes accru son mérite aux vues des futures analyses historiques.  Kisshomaru a eu aussi la prévoyance d’accepter plusieurs groupes indépendants et fédérations non affranchies dans les dossiers de l’Aikikai,  dans la mesure où leur taille et leur cohésion correspondaient aux critères nécessaires.

Moriteru & Kisshomaru Ueshiba
Moriteru & Kisshomaru Ueshiba

Dans les années 1990,  la position de Kisshomaru comme la personnalité prédominante du monde de l’aikido a été ancrée dans la sphère d’influence de l’Aikikai.  Le modeste fils à lunettes de Morihei Ueshiba s’est transformé en une force dans son bon droit,  et a commencé à recevoir des traitement d’adulation partout où il allait.  Maintenant en élégant personnage de grand père,  il manipula l’indéniable autorité dans tous les domaines de gouvernance de l’art au travers la domination de l’Aikikai.  L’empreinte de Kisshomaru a fermement marqué l’aikido,  et son influence future est garantie pour au minimum les deux prochaines générations au travers de ses fils Moriteru,  et petit-fils Mitsuteru.“

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